MONTREAL - Deux Canadiens soupçonnés de terrorisme ont discuté en 2000 d'un plan visant à faire exploser un avion en direction de la France, selon la transcription par les services de renseignement canadiens d'une conversation diffusée vendredi par le quotidien La Presse.
Les Montréalais d'origines marocaine, Adil Charkaoui, et soudanaise, Abousfian Abdelrazik, qui demandent d'importants dommages et intérêts au gouvernement canadien pour les avoir soupçonnés de terrorisme, avaient planifié de faire sauter un avion, possiblement un vol d'Air France, entre Montréal et Paris, selon ces documents.
"Si nous partions d'ici pour aller, par exemple, en France. Le voyage serait long. Nous pourrions tous nous enregistrer le même jour et chaque personne embarquerait séparément. Il y en aurait deux en avant, deux au (inaudible, selon la transcription) et deux derrière. Six en tout", dit M. Charkaoui à M.Abdelrazik, selon ce document classé "secret" et obtenu par le journal.
Abousfian Abdelrazik juge ensuite ce plan "dangereux", selon le document. Puis, Adil Charkaoui rétorque: "J'ai un stylo en forme de porte-clés, tu sais ce que veut dire porte-clés en arabe, c'est quelque chose pour mettre tes clés. C'est quelque chose de très pur, à 100%. Lance ça dans l'avion et tout l'avion explose".
Si la conversation cryptée par les services de renseignement date de 2000, le document en faisant état a été rédigé quatre ans plus tard et était destiné au ministère canadien des Transports.
Adil Charkaoui avait été soupçonné d'être un agent dormant d'Al-Qaïda. Arrêté en mai 2003, il a passé 21 mois en prison en vertu d'un "certificat de sécurité", un dispositif légal controversé permettant d'emprisonner sans procès et d'expulser un étranger censé représenter un risque pour la sécurité du Canada.
M. Charkaoui, qui n'a jamais fait l'objet d'une accusation formelle, demande environ 25 millions de dollars américains au gouvernement pour dommages-intérêts.
Abousfian Abdelrazik est, lui, soupçonné de s'être entraîné au milieu des années 90 dans un camp d'Al-Qaïda et d'avoir aidé d'autres personnes à s'y rendre, dont Ahmed Ressam, condamné par la justice américaine pour avoir essayé de commettre un attentat à l'explosif dans l'aéroport de Los Angeles fin 1999.
M. Abdelrazik a été écroué en 2003 par les autorités soudanaises. Il a passé plus d'un an en prison dans son pays d'origine, mais a ensuite été bloqué au Soudan parce que son nom avait été ajouté à la liste onusienne des personnes soupçonnées de terrorisme.
L'homme, aujourd'hui âgé de 49 ans, a gagné en 2008 l'ambassade canadienne à Khartoum, où il a vécu pendant un an, le Canada refusant de lui fournir un nouveau passeport pour rentrer chez lui car son nom figure sur la liste noire de l'ONU.
Le Canada a finalement été obligé de le rapatrier à la suite d'une décision de justice. M. Abdelrazik, qui mène actuellement une campagne pour le retrait de son nom de la liste onusienne des présumés terroristes, réclame 27 millions de dollars en dommages-intérêts au gouvernement canadien.
La fuite de ce document secret dans les médias "semble être une tentative de saper les efforts de M. Abdelrazik pour rétablir sa réputation auprès des Nations unies", a déclaré à l'AFP son avocat Khalid Elgazzar, précisant que son client était "déçu" de ces allégations.
par AFP